Chers tous,
C’est évidemment avec de l’émotion mais surtout beaucoup de responsabilité que je prends la parole devant vous aujourd’hui et je tenais à vous remercier d’avoir répondu présents, si nombreux, à notre invitation. Au moment où nous avons appris l’annulation de la FIAC, au moment où de nombreux lieux rouvrent, et où nous parlerons de Nuit Blanche, pleins d’espoir.
Mes premierers mots sont forcément pour Anne Hidalgo. Merci à toi Anne, de me faire confiance pour succéder à Christophe Girard et m’engager pleinement au service de ce sujet majeur et merveilleux qu’est la culture.
Merci à toi pour la confiance que tu mets aussi dans les forces artistiques et culturelles parisiennes.
Pour en avoir parlé avec toi, pour avoir rencontré des acteurs culturels à tes côtés, je sais combien tu es attachée à faire prospérer à Paris une culture vivante, foisonnante, partageuse, urbaine tant elle est liée à la vie de la ville.
Je sais aussi combien tu portes haut une conception de la culture comme un levier puissant au service d’une ville plus solidaire, plus écologiste et plus créative. Disons-le, redisons-le, la création, l’invention sont à l’origine de tout en matière culturelle. Il nous revient d’en être les passeurs, entre des créateurs hérités du passé, vivants ou à venir et les lieux, les dispositifs qui font exister leurs œuvres, avec toujours pour ultime boussole les parisiennes et les Parisiens.
Cette attention toute particulière à la culture, tu l’as prouvée en accordant un soutien prioritaire aux artistes, aux établissements et aux actions culturelles durant la crise sanitaire et sociale inédite que nous traversons.
Nous aurions aimé pouvoir organiser cette conférence de presse de manière « normale » et vous présenter toute l’étendue de nos ambitions en matière culturelle pour le mandat qui s’ouvre. Mais la période que nous traversons est tout sauf normale. Elle nous oblige à concentrer nos efforts sur les réponses que nous pouvons apporter aux fragilités du secteur culturel aujourd’hui. Cette rentrée est incertaine, nous le savons, et les conséquences de la crise seront durables.
La Maire de Paris s’est engagée dès le début du confinement pour que la rémunération des artistes soit assurée, a fait voter un plan de soutien de 15M€ qui concerne tous les secteurs artistiques, a proposé que les loyers des ateliers d’artistes soient réduits ou annulés selon les situations, s’est battue pour que puissent reprendre les tournages et soutenir les salles de cinéma, qui connaissent une baisse importante de leur fréquentation.
Et puis, il y a eu cet « Été particulier » voulu et pensé comme une manifestation du soutien de la Ville de Paris aux artistes, comme une proposition faite aux Parisiennes et aux Parisiens aussi. Pour que les artistes continuent d’insuffler leur créativité dans nos vies quotidiennes, qu’ils contribuent au rayonnement et au dynamisme de notre capitale, dans tous ses quartiers. Mais aussi et surtout pour continuer de faire de la culture l’un des moteurs de notre société, un élément essentiel de cohésion, de partage, de création de communs.
Ne négligeons jamais que la première raison pour laquelle les Parisiens habitent ici, c’est leur environnement patrimonial et culturel. C’est pour cela que nous nous sommes engagés pour soutenir les créateurs et les artistes ; nous voulons qu’ils puissent vivre et travailler à Paris. C’est à la fois un bienfait
pour les habitants, et pour tous ceux qui aiment Paris, qui la regardent et parfois l’envient.
Nous travaillons et travaillerons inlassablement pour que la culture à Paris ne soit jamais figée, pour qu’elle puisse s’inventer, se renouveler, vivre, tout simplement, parce que Paris sans sa culture et ses artistes serait une ville sans âme.
Je suis heureuse que Paris puisse compter sur des citoyens engagés, qui savent que la culture n’est pas un supplément d’âme, ou un détour, comme on dit souvent, pour les plus privilégiés.
Et je salue les dizaines d’acteurs culturels présents aujourd’hui, qui le démontrent merveilleusement en œuvrant au quotidien, en résistant, pour que cette vision-là de la culture prévale, loin des volontés élitistes qui existent encore trop souvent.
Permettez-moi également d’associer à ces remerciements l’ensemble des agents de la Direction des Affaires Culturelles, de Paris Musées, des établissements partenaires de la Ville de Paris, des associations. Je connais leur travail, j’en sais la diversité des missions, des compétences et des métiers, j’en sais l’extrême qualité et je mesure leur engagement pour le service public parisien. Ils l’ont encore prouvé durant le confinement et cet été. Je tiens à les saluer chaleureusement.
Tout cela pour vous dire qu’avec eux nous ne baisserons pas les bras. Les Parisiennes et les Parisiens peuvent compter sur notre engagement pour que Paris demeure la capitale mondiale de la culture.
Notre première ambition sera que les Parisiennes et les Parisiens s’emparent de leur droit à la culture. Nous souhaitons passer de la démocratisation culturelle au droit exercé par chacune et chacun à faire résonner ce dont ils et elles sont porteurs.
Dans cette rencontre qui peut se faire entre ce tout ce qui nous est transmis par une famille, une origine, l’inscription dans un territoire…et la découverte, l’action publique est celle de passeurs. Entre l’offre culturelle et les parisiennes, les parisiens. Entre les artistes, les propositions d’acteurs culturels et les parisiennes, les Parisiens.
Nous agirons pour que ces rencontres se fassent, à chaque instant, à chaque âge de la vie. Je crois à cette rencontre, à l’échange, je ne crois pas qu’il y ait de « publics éloignés de la culture », car nous sommes tous faits de cultures, d’expressions, d’identités. Nous sommes tous porteurs d’héritages et de créations. Le paysage culturel a été profondément bouleversé ces dernières années. Mais j’ai la conviction que nous devons aller encore plus loin : la culture est un droit, il est temps de l’exercer !
D’immenses réalisations ont été accomplies ces dernières années pour mettre Paris au niveau d’une métropole mondiale. Notre ville possède les infrastructures nécessaires à ceux qui y vivent, à ceux qui la visitent, elle a su créer de nouveaux modèles, adaptés aux sociétés d’aujourd’hui : je citerai dans le désordre des espaces de résidences pour les artistes (au 104, les Plateaux Sauvages, le Grand Parquet…), de nouveaux théâtres plus conviviaux, comme le Monfort, des espaces de création libre, des espaces dédiés aux pratiques amateurs, des musées rénovés, qui deviennent des lieux de vie et se délocalisent dans les prisons ou les foyers de l’enfance, des bibliothèques devenues des lieux de services aux publics…
La culture a aussi été décentralisée, implantée dans tous les quartiers, c’était nécessaire autant que légitime.
Nous avons également pris soin des commerces culturels, les librairies et des disquaires notamment.
Et nous nous sommes préoccupés de notre patrimoine, à la fois mémoire et identité de notre ville. Je salue en cela Karen Taïeb, Adjointe à la maire en charge du patrimoine, et Laurence Patrice, adjointe en charge de la mémoire,
avec lesquelles nous nous engagerons conjointement lors de ce mandat qui s’ouvre.
Grâce à tout cela, Paris est de loin la ville la mieux dotée au monde en équipements publics et évènements culturels. Nous souhaitons que ce maillage soit entretenu, amplifié, connecté aux enjeux de notre époque.
A ce titre, nous ferons d’une part en sorte que tous nos établissements et événements généralisent le recours à l’économie circulaire et à la mutualisation des moyens. C’est un impératif autant qu’un enjeu passionnant que circulent les ressources et les matériels et en les utilisant au mieux.
Nous poursuivrons par ailleurs le Plan Climat de rénovation des équipements culturels et intégrerons des objectifs écologiques prioritaires dans l’ensemble des chantiers que nous mènerons.
Parmi ceux-ci, permettez-moi de mentionner les musées. Vous savez que la Crypte archéologique de l’île de la Cité vient de rouvrir (avec une magnifique exposition sur Notre-Dame de Paris). Après les retards dus à la crise sanitaire, je vous confirme que nous ouvrirons dans les prochaines semaines le Palais Galliera et la Maison de Victor Hugo, rénovés. Puis le Musée Carnavalet – Histoire de Paris rouvrira ses portes au début de l’année 2021. Vous y (re)découvrirez un joyau exceptionnel. Et permettez-moi ici de rendre un hommage appuyé et sincère au parcours et à la personne exceptionnels de Delphine Lévy, qui nous a quittés brutalement, bien trop tôt, et à qui nous devons le succès de la politique muséale parisienne. Nous pensons beaucoup à elle et poursuivrons son oeuvre.
Dans cette continuité, je souhaiterais ouvrir avec mes collègues Karen Taïeb et Laurence Patrice un grand chantier sur la mémoire et les identités parisiennes.
Je proposerai tout d’abord que nous puissions construire 3 équipements structurants et hautement symboliques :
Un nouveau lieu immersif, recourant au numérique, dans lequel l’histoire de Paris sera retracée à travers les collections municipales,
- Un nouveau site dans le nord de Paris qui accueillera, protégera et valorisera les réserves artistiques municipales et muséales, composées de milliers de trésors parmi lesquels des statues, des tableaux, des fragments archéologiques… Ce lieu innovant devra être très largement ouvert à tous.
- Un nouveau site pour les archives de Paris et les bibliothèques patrimoniales, ouvert aux publics et aux pratiques culturelles et artistiques.
En leur sein, j’insisterai sur la création d’espaces consacrés à ceux qui ont fait l’histoire de Paris et que l’on oublie trop souvent, qu’ils soient immigrés, ultra-marins, tziganes...Nous leur devons beaucoup et je veillerai à ce qu’ils obtiennent toute leur place dans notre mémoire, notre récit collectif et notre activité culturelle. Je suis attachée à ce combat, contre l’uniformisation, la bien-pensance et le dogmatisme, trop amoureuse que je suis des diversités, des hors-cadres, des expressions libres et spontanées, des personnalités flamboyantes. Je précise que La culture LGBT+ y trouvera aussi sa place.
J’aimerais ainsi que nous puissions mieux valoriser le travail remarquable fait par nos bibliothécaires, nos historiens, nos archivistes, nos conservateurs. Qu’ils nous montrent comment l’étude de notre passé et de notre patrimoine peut éclairer nos sociétés actuelles et leur avenir. Le numérique sera un allié précieux en la matière.
Parmi les autres chantiers que nous lancerons, je tiens à vous signaler le nouveau site de la rue Léon de l’Institut des Cultures d’Islam. Il viendra finaliser le programme ambitieux de cet établissement qui travaille si bien autour des identités et des identités artistiques.
Nous construirons également de nouvelles médiathèques, dans les 13e, 14e, 19e et 20e arrondissements. Elles prolongeront le maillage déjà très dense dont nous bénéficions à Paris et viendront surtout réaffirmer cette conviction que nous avons : les bibliothèques sont des équipements culturels porteurs d’un avenir sans limites.
D’une part, elles incarnent la proximité, les Parisiennes et Parisiens les plébiscitent. Mais surtout, elles sont les équipements qui ont le plus évolué ces dernières années et qui ont su entièrement repenser leurs missions. Au-delà de leur mission première, elles sont devenues ces espaces de croisements, où toutes les populations se croisent, où l’on peut bavarder, faire connaissance, lire la presse, flâner, se détendre, satisfaire sa curiosité et sa soif d’apprendre.
Nous serons attentifs à ce que les nouvelles médiathèques que nous construirons non seulement soient écologiquement irréprochables, qu’elles soient sobres et architecturalement innovantes, notamment en utilisant au maximum des matériaux de récupération. Mais nous nous attacherons aussi à ce qu’elles incarnent, par leur architecture, leurs usages, leurs horaires, ce partage et cette proximité qu’Anne Hidalgo insuffle à Paris aujourd’hui.
Enfin, nous ouvrirons un nouveau Théâtre de la Ville, à l’architecture entièrement repensée. Nous savons que ce chantier a pris du retard, mais nous savons également qu’il permettra de découvrir à quoi peut ressembler un théâtre au 21e siècle. À la fois polyvalent et accessible, connecté à la Place du Châtelet, mais aussi particulièrement beau. Il nous rappellera à quel point les chantiers sont parfois longs, fastidieux et pleins d’imprévus, et combien ils méritent d’être menés.
Vous le voyez, notre maillage culturel en sortira renforcé et encore plus intense. L’enjeu est maintenant de faire fonctionner les établissements, les projets et les initiatives en réseau, en synergie. Cela permettra de nous assurer que personne ne soit oublié, d’ouvrir des marges de manœuvre pour la création artistique et d’inscrire la culture dans l’économie sociale et solidaire.
Je m’attèlerai ainsi à construire pour toutes les Parisiennes et tous les Parisiens un schéma global et cohérent qui leur assurera qu’ils puissent accéder, à tous les âges de la vie, à l’éducation, aux pratiques artistiques, aux activités culturelles et à la création.
Nous généraliserons sans exception l’éducation artistique et culturelle dans les écoles, avec la mise en place d’un parcours culturel personnalisé pour chaque enfant, cohérent tout au long de sa scolarité puis débouchant sur différentes
options professionnelles ou amateurs, à l’âge adolescent puis adulte. Les bibliothèques, les conservatoires, les établissements culturels de la Ville pourront construire ce parcours, en lien avec le monde scolaire, pour chaque enfant. Ils sont notre avenir, aucun ne doit être oublié. L’école sera placée au coeur de ce nouveau dispositif et démontrera que la culture est tout sauf l’apanage d’une minorité privilégiée et qu’elle peut nous aider à briser les inégalités. Nous y travaillons avec Patrick Bloche.
Parmi les différentes options ouvertes aux enfants figureront les conservatoires, dont je souhaite finaliser la réforme lancée en 2016 afin d’atteindre 3 000 nouvelles places créées, que nous puissions mettre fin au tirage au sort pour les nouveaux inscrits et que les passerelles avec l’école, entre les disciplines, avec les autres établissements d’enseignement et entre les parcours amateurs et professionnels soient effectives. Pour faciliter cela, nous repenserons et améliorerons les usages et les pratiques dans les conservatoires des 11e, 15e et 20e arrondissements, construirons un nouveau conservatoire, dont le bâtiment sera aussi une école, dans le 18e arrondissement, et créerons un pôle danse pour le Conservatoire à rayonnement régional dans le 20e arrondissement.
À différents âges de la vie, nous sommes amenés à créer, et c’est pourquoi je porterai toute mon attention aux établissements dédiés aux pratiques amateurs, qui permettent de prolonger les enseignements reçus durant l’enfance et l’adolescence. Je clarifierai ainsi les missions et l’organisation de la Maison des pratiques artistiques amateurs, qui aura un rôle central à jouer dans ce nouveau dispositif et donnerai un nouveau souffle aux Ateliers Beaux-arts.
Et puis, bien sûr, nous amplifierons l’effort initié cet été avec la présence des arts et de la culture dans l’espace public, en nous portant garant que toutes les esthétiques soient représentées.
Durant cet « Été particulier », plus de 200 événements ont été présentés en accès libre dans les rues de Paris. C’est une initiative qui préfigure une nouvelle ère de politique culturelle. Elle a réuni plus de 25 000 spectateurs et a vocation
à devenir récurrente, tant elle incarne notre soutien à la création mais aussi la simplicité avec laquelle nous voulons que la culture prenne sa place dans le quotidien des Parisiennes et Parisiens, de manière spontanée, joyeuse, solidaire, très diversifiée, qu’elle appelle à la rencontre, à la découverte.
Ce sera la vocation, dans toute la ville, des « Plateaux artistiques », dont nous avons annoncé la création pendant la campagne électorale. Ils seront le support pivot entre les amateurs et les professionnels. À la fois espaces de représentation pour les artistes locaux, pour les pratiques amateurs et espaces hors-les-murs pour nos institutions culturelles, les unes venant croiser les autres – institutions culturelles qui devront faire leur l’appel que nous avons lancé dès cet été aux arts dans la rue !
Pour ce faire, nous devrons préserver et si possible amplifier les moyens dédiés à la création. C’est là une mission qu’accomplissent déjà les dizaines d’établissements culturels que la Ville soutient et je tiens à les en remercier très sincèrement. Nous devrons préserver, et si possible amplifier, les moyens qui lui sont dédiés.
Nous aurons ainsi une attention particulière aux disciplines et acteurs les plus fragilisés : les musiques actuelles, les arts visuels, les auteurs, la danse, les arts de la rue et le cirque.
Nous serons attentifs également à la situation des artistes, en particulier les plasticiens, dont beaucoup connaissent aujourd’hui une grande précarité.
Un centre culturel dédié à l’art contemporain et aux solidarités ouvrira dans l’ancien hôpital Saint-Vincent de Paul, prolongation de l’expérience des Grands Voisins.
La Ville travaillera sur le sujet du droit de représentation des artistes, trop souvent négligé, et portera une attention particulière à l’attribution et à la rénovation des ateliers.
Les artistes visuels doivent rester intimement liés à l’identité de Paris, comme ils l’ont toujours été, et pouvoir travailler dans les meilleures conditions.
Nous entamerons également une grande réflexion sur les lieux de répétition, afin que le plus possible d’artistes puissent travailler librement. Très rapidement, nous ouvrirons d’ailleurs une Cité des musiciens dans le 20e arrondissement, pour toujours plus de pratique libre, dans de bonnes conditions.
Notre objectif final est de pouvoir accompagner ce que je nomme une « émergence véritable », loin des circuits clos, notamment grâce à une continuité entre les pratiques amateurs et professionnelles et grâce à un accompagnement efficace à la professionnalisation. Nous devons repérer les nouveaux talents et prendre en charge leur professionnalisation grâce à une contribution des établissements culturels parisiens, qui pourront ainsi intégrer de nouveaux ensembles, de nouvelles compagnies ou de nouveaux artistes dans leur programmation.
Nous réformerons enfin les dispositifs de soutien à la création.
J’ai porté, dès les premiers jours de mon mandat, une attention marquée aux lieux culturels en péril. C’est la raison pour laquelle nous avons en juillet décidé de préempter le Lavoir Moderne Parisien, afin de nous assurer de la pérennité de ce lieu hautement symbolique et si précieux pour la jeune création.
Par ailleurs, je travaille actuellement à trouver les meilleures solutions pour des activités culturelles que vous connaissez tous et qui sont menacés. Vous pouvez compter sur ma détermination. Il s’agit là de lutter contre la pression trop forte du prix du m2, comme la Ville le fait dans d’autres domaines, je pense au logement en priorité bien sûr, ou au commerce.
Nous réaffirmerons notre soutien à l’économie créative, aux initiatives innovantes et serons attentifs à ce que la culture à Paris reste aussi un lieu de marges, de dissidences, de paroles engagées. C’est la raison pour laquelle je ne crois pas à l’institutionnalisation de toute la culture, à sa municipalisation, et ne la souhaite pas. Ceux qui se sont construits seuls, mus par leur volonté, leurs convictions, leur envie de changer les choses, doivent être considérés avec le plus grand respect. En ce sens, les initiatives publiques et privées se complètent
et interagissent, souvent harmonieusement, garantes du dynamisme de notre ville. C’est une même là une condition essentielle pour la création.
Pour que cette ambition soit soutenable, en ces temps si complexes et si troublés, notre sens de la responsabilité doit être poussé à son niveau maximal. C’est pourquoi j’appelle très solennellement l’ensemble des responsables d’institutions et événements culturels à porter un soin absolu à l’utilisation de l’argent public. J’y porterai une attention particulière et invite à supprimer les dépenses qui ne bénéficieraient qu’à une portion restreinte ou limitée du public. En clair, il est souhaitable que les dépenses non indispensables soient réinvesties dans la création, les actions de proximité et d’éducation.
En parallèle, nous réformerons le système d’attribution des subventions, afin qu’elles reflètent le niveau d’engagement des structures soutenues pour les objectifs sociétaux prioritaires que nous partageons.
Parmi eux, je pense à cet appel massif que nous devons faire à l’économie circulaire et à l’insertion nécessaire dans un grand plan Climat. Par ailleurs, les acteurs culturels accompagnés par la Ville soutiendront une égalité volontariste entre femmes et hommes. Ils feront place à la diversité des identités dans les programmations, dans la mesure du possible. Il s’agira également de mettre en place des solidarités effectives, au-delà du simple affichage, avec une attention prioritaire portée aux Seniors, aux personnes en situation de handicap et à tous les publics fragiles, et de renforcer l’insertion urbaine et sociale, par une meilleure connexion avec la rue et un usage des établissements beaucoup plus polyvalent et moins réservé à une seule catégorie d’usagers ou à une seule plage horaire de la journée. Cela inclue aussi l’appel à la jeunesse, dont les pratiques évoluent si vite et avec tellement de créativité. Cette culture-là devra être le coeur battant de la « ville du quart d’heure » que nous construisons, où l’on trouve l’indispensable à proximité. Dans un mouvement complémentaire, la culture devra enfin préfigurer de manière volontariste la Métropole du Grand Paris.
Telles sont les priorités sociétales qui me viennent à l’esprit et auxquelles nous devrons contribuer à apporter une réponse.
Ces objectifs partagés nous permettront d’attribuer une appellation « Paris Culture », identifiant les équipements et événements qui répondent à cette dynamique collective et à cet engagement sociétal. Il n’y aura pas d’abonnement, de systématisme ou d’effet guichet, j’en prends l’engagement. La Direction des Affaires culturelles sera à cette fin l’interlocuteur direct de suivi et de conseil pour les établissements, les événements, les artistes et les amateurs, dans tous les domaines.
Je souhaite enfin qu’un accent particulier soit mis sur le numérique. J’ai toujours considéré qu’il n’était pas une fin en soi et que l’expérience de l’art est irremplaçable. Mais il est un outil précieux dont nous devons nous emparer pour mieux comprendre et penser le travail artistique ou l’histoire. Le confinement nous l’a montré, le numérique, en plus de concerner très largement les pratiques culturelles des jeunes aujourd’hui, a permis cet accès quotidien et indispensable à la culture. Je tiens d’ailleurs à remercier tout particulièrement les bibliothèques et les musées municipaux qui se sont mobilisés pour rendre une grande partie de leurs collections et de leurs offres culturelles disponibles en ligne, ainsi que les établissements soutenus par la Ville qui ont fait preuve d’adaptation et de créativité sur ce sujet également.
Nous poursuivrons le travail inédit d’Open Content engagé par Paris Musées, dont plus de 160 000 oeuvres sont d’ores et déjà disponibles en haute définition. Par ailleurs, la 3ème saison des Cours d’histoire de l’art dispensés dès octobre prochain à l’auditorium du Petit Palais sera également accessible en streaming. Au printemps 2021, nous lancerons le premier cours en ligne (MOOC) sur la sculpture, qui sera composé à terme d’une douzaine de vidéos. Diffusés dans un premier temps sur le territoire national et dans un deuxième temps au niveau international (en anglais et en chinois). D’autres séries sortiront régulièrement sur des thématiques tels que les ateliers d’artistes, les collectionneurs, l’histoire de Paris…
Enfin, nous créerons des podcasts destinés au jeune public, pour présenter chaque musée de la Ville. Cet élan numérique, que les musées parisiens ont lancé de manière spectaculaire, a bien entendu vocation à s’étendre à
l’ensemble de nos ressources et institutions, notamment les bibliothèques et les archives, afin de s’assurer d’un accès au plus grand nombre.
Le numérique joue aussi un rôle majeur dans le dynamisme de nos bibliothèques et médiathèques : 100 000 livres numériques ont été empruntés pendant le confinement, 400 000 documents numériques sont consultés chaque mois – soit l’équivalent de 4 grandes médiathèques dont les documents seraient consultés mensuellement.
(Je souhaite que nous actions d’un programme de numérisation ambitieux et tiens à rappeler que près de 1,3 million de vues sont déjà accessibles sur le portail des bibliothèques, auxquelles s’ajoutent 200 000 photographies par an et 400 000 vues issues des collections manuscrites, imprimées et iconographiques. Du côté des Archives, 92 millions d’images sont vues chaque année et 13 millions d’images sont déjà accessibles en ligne).
De la même manière, je souhaite poursuivre le développement des nouvelles formes d’enseignement artistique, notamment dans les conservatoires. Durant le confinement, les professeurs se sont mobilisés, et je tiens à les en remercier, pour assurer une véritable continuité pédagogique. Cela a souvent fait émerger un engagement de la part des familles et un gain d’autonomie des élèves. Nous devons prolonger cet effort en faisant du numérique un complément riche et dynamique de l’enseignement présentiel.
Tout cela viendra réaffirmer la position de Paris comme capitale culturelle du quart d’heure autant que comme métropole mondiale.
Dans les années qui viennent, la culture nous projettera dans l’avenir par son lien avec le sport, que nous illustrerons et affirmerons avec vigueur dans le cadre de l’Olympiade culturelle.
Malgré son ouverture repoussée à 2021, nous avons décidé de maintenir de grands projets durant l’année qui vient. Ils viendront illustrer notre détermination à faire des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 une démonstration de ce que la culture peut apporter à notre société.
Je lance d’ailleurs un appel solennel au Conseil départemental de Seine-Saint-Denis et aux Villes de Marseille et de Versailles, sites hôtes des Jeux Olympiques, pour que nous puissions construire ensemble cette Olympiade culturelle. Elle sera l’occasion de fédérer tous les habitants autour d’une dynamique culturelle et sportive qui démontrera la capacité de nos villes à se réunir autour de projets d’avenir.
Enfin, c’est également d’avenir que nous parlerons en projetant la culture sur de nouvelles échelles de territoires.
D’une part en accompagnant la déconcentration impulsée par la Maire de Paris à l’échelle des arrondissements, raison pour laquelle je rencontrerai chaque Maire d’arrondissement, accompagné de son adjointe ou adjoint à la culture, dans les mois qui viennent.
En parallèle, nous ferons en sorte que la culture soit l’un des premiers éléments fédérateurs à l’échelle métropolitaine. J’échangerai rapidement avec mes homologues de la métropole parisienne et des grandes villes de France qui partagent ces mêmes envies et ces mêmes valeurs pour voir comment mieux mutualiser notre travail et nos réflexions et avancer ensemble pour écrire cette nouvelle page de politique culturelle.
Nous aurons également à cœur de mener une politique de coopération internationale qui sache répondre aux questionnements que se pose le monde aujourd’hui, notamment sur le rôle de l’Europe alors que même les frontières qui s’effaçaient progressivement redeviennent des obstacles infranchissables et les identités des enjeux parfois conflictuels.
J’emprunte les mots de la fin à AM Schwarzenbach, belle figure artistique et belle figure de résistance aux idéologies délétères et aux dogmes. Dans La terre des promesses, elle écrit « nous ignorons tous de quoi nous vivons, alors comment pourrions-nous rater quelque chose et avoir des regrets ? »
En ces temps de grandes incertitudes, elle nous invite à l’audace et à l’action, je prends son relais, et vous avez ma parole : la culture sera tout sauf oubliée. J’en prends l’engagement devant vous tous, citoyens passionnés, artistes professionnels et amateurs, responsables d’établissements, d’événements
culturels, d’associations, toutes et tous engagés pour une société qui ne laisse personne sur le bord du chemin.
Je vous remercie !