communiqué de presse

les solutions pour remédier au problème du crack dans le nord-est parisien.

Santé / Municipalité
Depuis plus de 30 ans, la toxicomanie de rue, les trafics et la consommation de crack sont un fléau pour les quartiers du nord-est parisien et les communes voisines
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  • Marion FONTENY
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  • Anne HIDALGO

C’est une grande souffrance pour les habitants, témoins et souvent victimes de la misère et de la violence, mais aussi pour les toxicomanes, malades de l’addiction à ce poison qu’est le crack. Je pense particulièrement aux femmes usagères de drogues, dont la vulnérabilité est extrême.

La crise liée au coronavirus a en partie mis à mal les efforts considérables que nous avons réalisés, avec nos partenaires de l’Agence régionale de santé (ARS), de la Préfecture de région, du Parquet de Paris et de la Préfecture de Police, dans le cadre du « Plan Crack » adopté il y a exactement deux ans.

1. La situation s’est dégradée sous l’effet de plusieurs phénomènes

 D’abord, les évacuations successives des « scènes ouvertes » de consommation et de deal ont dispersé les usagers de drogues sans proposer une solution globale de prise en charge, tenant compte de leur addiction.

 Ensuite, l’espace public a été laissé aux personnes en errance pendant les confinements et couvre-feux, rendant encore plus visibles la détresse, la misère et l’insécurité liées au crack.

Qui plus est, les services de prise en charge médicale, psychiatrique et d’accompagnement social ont été, comme partout, sous tension du fait de la crise sanitaire.

 Enfin, la crise économique et le climat anxiogène pèsent sur des publics déjà fragiles et favorisent les décrochages et les rechutes.

 Et les tes trafiquants, eux, prospèrent sur ces drames.

2. Cette situation est grave et intolérable, mais elle n’est pas insoluble.

Elle appelle de chacune et chacun d’entre nous des réponses sérieuses, durables et pragmatiques, loin des gesticulations idéologiques et des outrances politiciennes.

À ce titre, je voudrais saluer l’extraordinaire mobilisation de nos concitoyens résidant aux abords des Jardins d’Éole. J’ai eu l’occasion de les rencontrer à quatre reprises au cours du mois de juin. Chaque fois, j’ai été frappée par leur souci de l’intérêt général, par leur engagement pour leur quartier, évidemment par leur inquiétude pour eux -mêmes et leur famille mais aussi pour le devenir des usagers de drogues et par leur envie sincère de trouver, avec nous, des solutions apaisées et pérennes au problème.

Les Parisiennes et les Parisiens de ces quartiers de mixité sociale sont bien loin des caricatures que l’on peut lire dans les journaux. 

Ils ne nous demandent ni d’exclure, ni d’enfermer, ni de reléguer les consommateurs de crack. Ils nous demandent simplement de construire des dispositifs qui soient à la hauteur des besoins, pour sortir les usagers de la rue et de la dépendance et pour retrouver un cadre de vie convivial.

Leur interpellation est salutaire, leurs propositions toujours constructives et je veux ici les en remercier.

Je voudrais également rappeler le travail difficile et indispensable des professionnels des associations de réduction des risques, des structures médico-sociales, des services hospitaliers de psychiatrie et d’addictologie, et des équipes de médiation de la Ville de Paris.

Chaque jour, 8 maraudes associatives et 1 équipe spécialisée de notre Unité d’assistance aux sans-abris vont à la rencontre des usagers de drogues pour les orienter, leur distribuer du matériel de réduction des risques et assurer une médiation avec les riverains.

Paris compte une dizaine de centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues, une salle de consommation à moindre risque et deux petits espaces de repos.

Grâce au « Plan Crack », 424 usagers sont actuellement hébergés avec un accompagnement sanitaire et social dans 46 hôtels différents des 11e, 17e et 18e arrondissements et de proche banlieue.

Éducatrices, médiateurs, travailleurs sociaux, médecins, infirmières, psychologues et psychiatres œuvrent au quotidien pour aider les consommateurs à sortir de la rue, de la précarité et de la dépendance.

C’est une mission souvent invisible et ingrate.

Certains préfèreront toujours retenir ce qui n’aura pas fonctionné. Mais je veux leur dire qu’ici, au sein de la majorité municipale, nous savons combien leur engagement et leur professionnalisme permettent à de nombreux usagers de drogues de trouver le chemin pour s’en sortir.

3. Car oui, il existe un chemin.

Nous savons quelle voie nous ne devons plus emprunter : celle qui consiste à déplacer les toxicomanes et les dealers d’un lieu à l’autre, de la Colline à Rosa Parks, de Rosa Parks à Stalingrad, de Stalingrad aux Jardins d’Éole, sans autre réponse que de tolérer des zones de consommation à très haut risque à ciel ouvert.

Or je vous le dis clairement : une telle « solution » n’est pas plus tolérable sous le périphérique que dans un jardin public. Ces scènes ouvertes accroissent la consommation compulsive, augmentent les risques de viols et de violences, favorisent des pratiques dangereuses et des comportements incompatibles avec une prise en charge sanitaire et sociale efficace.

C’est exactement l’inverse d’une réponse pérenne qui permettrait d’amener les consommateurs vers le sevrage. C’est un pis-aller qui montre aussi, et je le regrette, les limites d’une réponse uniquement sécuritaire au problème.

Notre objectif commun est évidemment la réduction drastique, idéalement l’extinction, de la consommation de ces drogues extrêmement nocives et de la criminalité associée.

Pour l’atteindre, il faut agir en même temps sur la trop grande facilité d’accès aux produits et sur l’accompagnement des usagers vers le sevrage.

Sur le premier volet, j’ai demandé au Gouvernement d’intensifier la lutte contre les trafics, d’accroître les moyens d’enquête dédiés (effectifs de police judiciaire, moyens techniques de détection dans les aéroports…) pour réduire l’approvisionnement de la plaque parisienne en produits stupéfiants. Je sais que des efforts importants sont réalisés par les services de police que je remercie, pour autant il s’agit d’accélérer encore et d’agir de manière systématique dès que le trafic reprend.

Sur le second, l’accompagnement vers le sevrage, il faut disposer de multiples réponses permettant une prise en charge globale comprenant également les injonctions de soins délivrées par l’autorité judiciaire ou l’hospitalisation sous contrainte quand cela est indispensable pour protéger les usagers dangereux pour les riverains et pour eux-mêmes

Ce que nous devons réaliser maintenant – et c’est le sens du vœu que vous avez adopté lors du précédent Conseil de Paris – c’est la création d’un réseau de lieux de prise en charge à taille humaine.

Ces lieux doivent combiner accueil et espace de repos le jour, des places d’hébergement d’urgence la nuit, une offre de soin, de l’accompagnement social et thérapeutique permettant, dans un cadre juridique l’y autorisant l’inhalation supervisée.

Cela a été largement démontré, dans de nombreux pays : loin d’encourager la dépendance, les dispositifs qui encadrent la consommation – au lieu de la nier – favorisent le contrôle et l’espacement des prises, l’adhésion aux soins psychiatriques, la stabilisation sociale, la réinsertion et la réadaptation.

Nous sommes prêts à ouvrir ces lieux intégrés de prise en charge pour sortir les usagers de crack de la rue.

Nous sommes prêts à en ouvrir plusieurs, disséminés sur l’ensemble du territoire parisien et, en lien avec l’Etat, au sein du Grand Paris.

Nous avons identifié quelques sites susceptibles d’être adaptés dans différents arrondissements, dont certains fonctionnent déjà comme centres d’accueil et d’accompagnement ou comme espaces de repos.

Mais nous sommes face à une difficulté majeure : de tels dispositifs intégrés ne sont pas prévus en l’état actuel de la règlementation française. Ils n’entrent pas « dans les cases » des dispositifs médico-sociaux prévus par le législateur.

Les Parisiennes et les Parisiens sont prêts à soutenir notre démarche, mais ils ont besoin d’entendre que cette approche sanitaire, de réduction des risques, validée scientifiquement, fait l’objet d’un consensus au-delà des clivages partisans et partagé au plus haut niveau de l’État.

Dès cet été, je prendrai ma part en ouvrant un premier lieu de prise en charge spécialisée du crack à Paris comme j’ai pu en informer le Premier Ministre lors de mon entretien du 5 juillet dernier.

Dès lors, je ne peux qu’inviter le Gouvernement à nous accompagner et à soutenir les élus parisiens, et tout particulièrement les Maires d’arrondissement qui sont les artisans du consensus local, dans le déploiement de cette solution que j’appelle de mes vœux.

Document associé

communiqué de presse
07 juillet 2021

Discours d'Anne Hidalgo sur les solutions pour remédier au problème du crack dans le nord est parisien