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Discours d’Anne Hidalgo - Inauguration de la Place des Combattantes et Combattants du sida

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  • Marion FONTENY
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  • Anne HIDALGO

Mesdames, messieurs,

Chers amis,

Je suis heureuse et émue d’être avec vous ce matin pour inaugurer un lieu unique, la place des combattantes et combattants du sida. Merci pour vos mots cher Hugues, chère Line.

Cette dénomination est le fruit d’un travail mené depuis plusieurs années par Paris pour inscrire dans nos rues la mémoire de toutes les luttes, y compris les plus âpres. Paris veut donner toute la visibilité à celles et ceux que l’Histoire a trop souvent discriminés et tenté d’effacer.

Paris ne serait pas la ville qu’elle est sans ses combattantes et ses combattants qui ont lutté pour défendre les valeurs qui nous unissent aujourd’hui avec un courage qui force le respect. En inscrivant en toutes lettres leurs noms sur les pierres de Paris, nous ancrons à jamais leurs combats dans notre mémoire.

Ce matin, tout simplement, Paris se souvient et tient à leur dire « merci ».

Les combattantes et les combattants, anonymes pour la plupart, fauchés par le sida dans les années 80 – 90, sont nombreux, trop nombreux, à manquer à l’appel aujourd’hui.

Je me souviens avec tristesse de cette époque.

Une nouvelle maladie était apparue. Un virus inquiétant, transmis par le sang et par le sperme, « maladie d’amour » comme le chantait Barbara, qui tuait en masse. À la fin des années 80, nous commencions à perdre des amis, des amoureux, des copains. Très vite, c’est devenu une hécatombe. Des années noires pour Paris. Une génération perdue.

Chaque jour, trois Parisiens mouraient du sida. Chaque jour, trois jeunes gens, qui auraient dû avoir l’avenir devant eux, perdaient la vie. Paris a perdu près de 10 000 de ses enfants à cause du sida.

Il y a deux ans exactement, nous honorions la mémoire de Cleews Vellay, mort alors qu’il avait à peine 30 ans, en inaugurant une promenade à son nom dans le 10e arrondissement. Comme Cleews, des milliers de jeunes gens, toute une génération brillante qui ne demandait qu’à vivre et à aimer, a disparu.

Des garçons, pour la plupart homosexuels, des femmes trans, des travailleuses du sexe, des jeunes de milieux modestes et des artistes touchés aussi parfois par une autre épidémie, celle de l’héroïne, des hommes et des femmes contaminés dans l’intimité des relations amoureuses, des enfants transfusés...

Et face à eux, le silence et l’indifférence.

Le silence avec lequel on accable la communauté homosexuelle. Parce que beaucoup pensent encore que c’est la maladie des homosexuels et des drogués, une maladie qui ne les concerne pas.

« Silence = mort » comme le rappellent les slogans d’Act Up-Paris. À l’époque, personne ne parle de protection. La capote, c’est tabou. On ne veut surtout pas en voir dans les lycées. Le dépistage, ce n’est pas la peine, puisqu’on ne sait pas soigner. Les seringues propres, c’est scandaleux, on risquerait d’encourager la drogue…

C’est de ce silence, de l’inaction des pouvoirs publics, du mépris, de ce rejet des minorités, de ce rejet de l’autre, que naissent les plus grands combats.

Vivants, survivants, soignants, amants, familles et proches des malades, chercheuses et chercheurs en immunologie, en virologie, en infectiologie : face à l’urgence et pour tromper le désespoir, ces femmes et ces hommes deviennent des combattantes et des combattants du sida.

C’est à elles, c’est à eux, c’est à vous toutes et tous réunis ici aujourd’hui, vous qui continuez à lutter, que cette place rend hommage.

Je voudrais m’arrêter un instant, alors qu’une autre pandémie bouleverse nos vies depuis bientôt deux ans, pour saluer le combat des soignants et des scientifiques contre le sida.

Françoise Barré-Sinoussi. Willy Rozenbaum. Jean-Claude Chermann. Françoise Brun-Vézinet. Christine Katlama. Gilles Pialoux. Jean-Paul Lévy. Michel Kazatchkine. Jean-François Delfraissy. Jacques Leibowitch. Myriam Kirstetter. Michèle Barzach. Christine Rouzioux. William Lowenstein.

Et toutes les infirmières, aides-soignantes, internes en médecine, médecins de ville, biologistes qui, du chevet des premiers malades aux laboratoires de virologie, se sont battus corps et âme, jour et nuit, pour sauver la vie des séropos et nous aider à comprendre cette maladie.

Beaucoup ont œuvré au sein de l’AP-HP. Ils font la force de l’hôpital et de la recherche publiques. Du fond du cœur, merci à toutes et à tous.

Et si nous inaugurons cette place à Paris, c’est parce que notre ville a une histoire singulière avec ce combat contre le sida.

En 1983, c’est la découverte du virus de l’immunodéficience humaine à l’Institut Pasteur, qui vaudra à Françoise Barré-Sinoussi et Luc Montagnier le Prix Nobel de Médecine.

En 1984, c’est la création à Paris de l’association AIDES par Daniel Defert à la suite du décès de son compagnon Michel Foucault à la Pitié Salpêtrière. Aujourd’hui, principale association de lutte contre le sida en Europe, son action rayonne dans le monde entier par le réseau international qu’elle a su constituer.

En 1985, c’est la création, encore à Paris, d’ARCAT-Sida, que Pierre Bergé préside un temps avant de fonder en 1994 « Ensemble contre le sida » qui deviendra Sidaction. Le combat d’une vie pour Pierre Bergé et pour toi, ma très chère Line Renaud.

En 1989, Didier Lestrade, Luc Coulavin et Pascal Loubet fondent ACT UP-PARIS, le groupe activiste qui changera la donne par ses « zaps » spectaculaires et son mélange unique d’expertise et de colère. Act Up inscrit PARIS en lettres capitales dans son nom, en référence à son modèle Act Up-New York.

Les images de leurs actions à Paris, comme le préservatif géant sur l’Obélisque de la place de la Concorde le 1er décembre 1993, feront le tour du monde.

Ses militantes et ses militants aussi, notamment lorsqu’il s’agira d’aller se battre contre les brevets qui empêchent l’accès aux traitements pour les malades des pays du Sud. En juillet 2003, après les mots décisifs de Nelson Mandela - « Nous devons agir maintenant pour sauver le monde » -, ce sont les militants d’Act Up-Paris qui interpellent les dirigeants de tous les pays pour qu’ils financent le Fonds mondial et lèvent les barrières à l’accès aux antirétroviraux en Afrique.

Je veux ici avoir une pensée chaleureuse pour Christine Kafando qui ne peut malheureusement être avec nous ce matin et en profiter pour saluer le travail de celle qui symbolise ce lien indéfectible entre Paris et les combattantes et les combattants du sida dans les pays du continent africain.

En 1994, c’est encore dans notre ville qu’est adoptée la première Déclaration de Paris qui inscrit la nécessité d’écouter les malades du sida et de les mettre au cœur de toutes les décisions politiques, scientifiques et médicales qui les touchent.

C’est le début de la démocratie sanitaire et de la reconnaissance indispensable du patient-expert qui a profondément transformé le lien entre le médecin et le patient. On le voit aujourd’hui.

Un combat auquel les nombreuses associations de patients parisiennes ont largement contribué : Vaincre le sida, Arcat, Basiliade, Dessine-moi un mouton, Sol En Si, Afrique Avenir, Uraca, Ikambere, Le Kiosque infos sida, Actions Traitements, Les Petits bonheurs, Le Comité des familles, le Pastt, Acceptess-T, les Séropotes… et j’en oublie sans doute, tant le réseau des combattantes et des combattants du sida est riche et divers !

Depuis 1999, c’est aussi à Paris, à l’Hippodrome de Longchamp, que le festival Solidays organisé par Solidarité sida enchante notre jeunesse et permet le financement de programmes d’accès aux traitements dans de nombreux pays.

Vingt ans plus tard, en 2014, c’est toujours à Paris que nous lancions la Déclaration des villes engagées pour mettre fin au sida, une mobilisation qui a permis d’accélérer, partout dans le monde, le déploiement de la PrEP et la diffusion du message sur le traitement antirétroviral comme outil de prévention de la transmission du VIH.

Une initiative qui nous a permis de faire baisser l’incidence du VIH dans notre ville dans des proportions inédites avec l’initiative « Vers Paris sans sida ». Zéro transmission en 2030, c’est notre objectif : nous l’atteindrons.

À ce titre, je tiens à saluer et remercier France Lert, une combattante qui n’a jamais rien lâché face au sida, et Bernard Jomier, qui a porté le premier ce combat contre le sida à l’échelle des grandes villes.

Je veux aussi adresser toute mon amitié à Hugues Fischer, l’homme qui nous a soufflé l’idée du dépistage « au labo sans ordo », dont l’expérimentation à Paris et à Nice a prouvé l’efficacité et qui sera bientôt généralisée partout en France.

Le malade, nous dit Daniel Defert, est un réformateur social.

Et sans aucun doute, les malades du sida, les personnes vivant avec le VIH et celles et ceux qui se sont engagés dans cette lutte à leurs côtés, ont façonné l’histoire sociale contemporaine de notre ville et de notre pays.

« Paris sans sida » ne pourra exister sans la mémoire du sida et de ses combattantes et combattants.

Je tiens à remercier tout particulièrement mes adjoints Laurence Patrice et Jean-Luc Romero-Michel pour avoir porté ce projet, avec Anne Souyris et le Maire de Paris centre, cher Ariel Weil.

Chère Laurence, cher Jean-Luc, chère Anne, je sais combien vous êtes attachés à faire vivre cette mémoire au cœur battant de Paris, dans le Marais. Je mesure le chemin parcouru et je me félicite que cette délibération ait été votée à l’unanimité au Conseil de Paris.

Désormais, entre l’Artère de Fabrice Hyber, la promenade Cleews Vellay et la Place des combattantes et combattants du sida, la lutte contre le sida s’inscrit durablement dans notre mémoire collective.

Un héritage pour demain, un héritage pour aujourd’hui face à cette autre pandémie qui met à mal notre époque.

Car c’est bien au creuset de la lutte contre le sida que notre ville a forgé sa culture de santé publique – je pense notamment au personnel de nos centres municipaux de dépistage – comme son engagement farouche pour plus d’égalité, contre les discriminations et pour la reconnaissance des droits de toutes et tous.

Un héritage aussi pour la réduction des risques et l’accompagnement des usagers de drogues, que nous devons continuer de mobiliser dans notre ville. Merci à vous toutes et tous, combattantes et combattants d’hier et d’aujourd’hui, d’ici et d’ailleurs.

Et continuons le combat !

Je vous remercie.

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01 décembre 2021

Discours d’Anne Hidalgo Inauguration de la Place des Combattantes et Combattants du sida