Sommet du PSE sur l’Europe sociale : discours d'Anne Hidalgo
Messieurs les Premier ministre, cher Antonio Costa, cher Stefan Löfven,
Monsieur le président du Parlement européen, cher David Sassoli,
Mesdames, messieurs, chers camarades,
Je suis heureuse de vous retrouver à Porto autour d’une cause qui nous tient à cœur, et depuis si longtemps : bâtir une Europe profondément sociale portant l’écologie en son cœur.
La combinaison de ces deux exigences est désormais notre équation politique.
Il y a cinq ans, nous posions à Paris les bases d’une nouvelle ère. L’Accord de Paris a fixé deux grands objectifs aux États : contenir la hausse de la température moyenne en dessous des 2°C et atteindre la neutralité carbone en 2050. C’est tout à la fois notre destination et le cadre de nos actions quotidiennes.
La jeunesse nous le rappelle tous les jours : rien ne serait pire que de regarder notre planète se défaire.
Avec lucidité, courage et persévérance elle martèle le même message que les scientifiques : nous ne rattraperons jamais les semaines, les mois et les années que nous aurons laissé échapper. Cette décennie est cruciale. Et chaque jour compte.
Quand le temps est compté, le meilleur moyen de ne pas en perdre est d’agir tous ensemble en mettant en commun nos forces. Profitons donc de notre réunion pour gagner du temps. En agissant de manière coordonnée et radicale.
C’est la méthode qu’ont adoptée les villes. Notamment les villes animées par des maires progressistes et sociaux-démocrates. Les villes sont pionnières en Europe en matière d’action climatique, économique et sociale.
Avec les maires et les élus locaux membres d’Eurocities - et je veux saluer son président Dario Nardella - nous voulons que les villes aient toute leur place dans la relance pour déployer les projets au plus près des citoyennes et des citoyens. Certains financements européens doivent être directement affectés aux villes.
C’est une condition d’efficacité et une nécessité pour soutenir les maires et les élus locaux au cœur de l’Europe.
Regardons outre-Atlantique. Osons la comparaison avec les mesures prises par Joe Biden : outre les montants engagés, les villes et les collectivités locales occupent une place importante dans le plan de relance.
Le plan Biden mise sur l’aptitude des territoires à identifier et à mettre en œuvre les investissements nécessaires.
Il leur donne également les moyens de leurs ambitions, là où l’Europe laisse les collectivités à l’écart. Chacun connaît pourtant leur capacité d’investissement. En France, 70 % de l’investissement public civil est assuré par les collectivités locales. Et ce chiffre est à peu près équivalent dans la plupart des pays européens.
Au-delà de la méthode, vers où nous faut-il aller ?
Après plus d’un an de pandémie, face à la maladie, à l’isolement, à la détresse des plus jeunes et des classes moyennes touchés de plein fouet par la crise économique, il nous faut tout à la fois une Europe qui se mêle de rapports humains et une Europe entièrement tournée vers la préservation de notre planète.
La dynamique portée par les plans de relance est l’occasion de procéder à cette « révolution verte et sociale » en Europe.
Et je pèse mes mots : oui, c’est bien une « révolution » puisque tout doit changer, ou presque, dans un laps de temps très court. Une révolution pacifique mais déterminée.
La « révolution écologique » doit être source d’emplois, synonyme de dignité et de progrès social.
Elle doit nous permettre de relocaliser nos productions autour du juste échange, de renforcer les droits des travailleuses et des travailleurs partout en Europe, de faire des choix politiques audacieux qui assument de privilégier des secteurs plutôt que d’autres et de transformer des filières trop carbonées.
C’est cet horizon qu’il faut valoriser sans attendre, pour défendre les classes moyennes qui sont le pilier de nos démocraties. Lorsqu’elles doutent, ce sont nos démocraties qui courent le risque de basculer dans les populismes.
La crise sanitaire comme la crise climatique ne pourront être résolues sans elles.
Pour renouer avec les classes moyennes, il faut que les conditions de leur confiance soient remplies. Il y en a trois : d’abord les revenus et le logement, ensuite l’éducation, enfin les systèmes de protection sociale. L’OCDE a montré que la confiance des classes moyennes s’est érodée en parallèle dans ces trois domaines : depuis plus de 30 ans, elles ne bénéficient plus de la même qualité de service.
La libéralisation de ces secteurs a renforcé les inégalités et pénalisé les classes moyennes qui ne trouvent plus leur place et se sentent abandonnées ou déclassées.
Leur place, elles ne la trouvent plus, parce que leurs métiers ne cessent d’évoluer. Ce sentiment risque de se renforcer dans les prochaines années. C’est pourquoi il est impératif d’instaurer à l’échelle européenne de grands plans de formation pour accompagner cette transformation des métiers au plus près des étudiantes et des étudiants, des travailleuses et des travailleurs, des salariés.
Il faut rassurer : la révolution des économies induite par l’urgence climatique ne se fera pas sans les classes moyennes, elle se fera avec et pour elles.
Climat, démocratie et politiques sociales sont intimement liés. C’est l’unique voie. Et c’est pourquoi la réussite du plan de relance européen et du Green deal est si essentielle.
Soyons à la hauteur. Notre réponse doit être audacieuse, ambitieuse et collective.
Et Paris y prendra toute sa part, comme nous le faisons déjà en investissant pour réinventer notre ville avec de nouvelles pistes cyclables, des bâtiments mieux isolés, de la nature partout où c’est possible, des services publics dans chaque quartier.
La relance européenne est une opportunité immense pour répondre tout à la fois au défi social et écologique. Ce sera probablement la seule.
Pour réenchanter le rêve européen, à nous de montrer que seule une Europe sociale et protectrice de notre planète permettra à chacune et à chacun, dans son quotidien et dans sa vie, de profiter des droits les plus fondamentaux : le droit de vivre en bonne santé, le droit de se projeter dans l’avenir, le droit de construire son avenir librement pour trouver sa place dans la société.